L’église St-Roch, hier et aujourd’hui

 

 

Extraits de la conférence de Florence ALBARET-GILSON, directrice du pôle Affaires Culturelles de la ville de Cambrai et de la présentation des travaux de rénovation par l’abbé Venceslas DEBLOCK, prêtre associé au service du doyenné, du 5 mars 2013.

 

    I.             I - Histoire du quartier

Quartier champêtre, il est le plus marqué des quartiers cambrésiens par l’industrialisation aux 19e et 20e siècles. Il se situe au Nord-Ouest de la ville, c’était un faubourg (fors –en dehors ; burgus –forteresse ou muraille) bordé à l’ouest par le canal et à l’est par l’avenue de Valenciennes, à 1 km de la grand’ place.

 

Un hôpital y a été construit en 1545 pour des pestiférés, ensemble constitué de petites maisons et d’une chapelle dédiée à Saint-Roch.

 

Saint-Roch vécut au 14e siècle, issu d’une famille aisée de Montpellier. Il se rendit à Rome et se consacra aux soins des malades, et notamment de ceux souffrant de la peste. Atteint lui-même par cette maladie, il s’est isolé des hommes et ce serait un chien qui l’aurait ravitaillé. Et le culte à Saint-Roch s’est perpétué.

 

En 1832, une nouvelle chapelle est édifiée, lors d’une épidémie de choléra.

 

En 1880, prend place une église de style néo roman, avec une nef centrale et à chevet plat, sans doute l’œuvre de Henri de Baralle, alors architecte diocésain.

 

Le quartier est construit sur un ancien marais, ce qui avait permis des activités de maraîchage (les noms de certaines rues en témoignent : Allée Verte, Allée du Quinconce…).C’est un endroit bucolique, il est un lieu de promenade pour les cambrésiens enfermés dans l’enceinte des remparts de la ville. Un bassin elliptique y a été construit pour une fontaine alimentée par les eaux d’une source ; l’ensemble fut démantelé pour permettre la construction de la ligne de chemin de fer.

 

Une sorte de guinguette « le jardin de Flore » permettait à la bourgeoisie de danser.

 

Mais la présence importante de l’eau a favorisé l’implantation de blanchisseries au 18e et surtout au 19e siècle, pour le travail très complexe du lin. Dès le 18e siècle, les cours d’eau sont aménagés.  En 1730, est créée une blanchisserie qui sera reprise au 19e siècle par la famille Brabant, dont l’un des membres Jules (1814-1891) fut maire de Cambrai (1865-1870) ; des maisons ouvrières sont construites puis une église. La blanchisserie sera reprise en 1938 par Gillet-Thaon.

 

Autre industrie importante qui s’est implantée dans le quartier en 1955 : « la Lainière » ou JDC (Jersey Diminué du Cambrésis) qui au plus fort de son activité a compté jusqu’à 1 300 employés, féminins pour la grande majorité. Son déclin a commencé dans les années 1980. D’autres industries ont vu le jour : une fabrique de limonades, une graineterie,en 1867, une scierie (la scierie de l’Artois, 1922-1980)

 

L’industrialisation s’est accompagnée d’une augmentation de la population et de la nécessité de construire des écoles : une école privée près de l’église et le groupe scolaire Ferdinand Buisson en 1931.

En 1964, est ouvert le centre social, et en 1965, commencent à s’élever les immeubles de la « Résidence la Forêt » qui comporte 446 logements.

Il faut donc accueillir les nouveaux paroissiens, l’église de 200 places est trop petite, il faut en construire une autre…

 

  II.           II - L’architecture religieuse de la deuxième moitié du 20e siècle :

A cette époque, une réflexion est lancée sur les nouvelles églises : faut-il leur donner une forme qui rappelle l’architecture ancienne ou en créer de nouvelles ? Un tension s’instaure sur l’emploi des nouveaux matériaux : la brique, le métal, le béton armé et c’est ce dernier qui va se généraliser pour remplacer la pierre.

L’une des préoccupations est que l’église nouvelle doit s’intégrer dans l’environnement urbain avec simplicité., Les formes sont inspirées de l’architecture profane comme celles des salles des fêtes.

D’autres réflexions sont liées au caractère liturgique, après le concile de Vatican II, les fidèles doivent être placés au plus près de l’autel : l’église Saint-Joseph du Havre (Architecte : Auguste Perret) voit son autel placé au centre de la bâtisse.

La période des « trente glorieuses » est période faste pour les édifices religieux : 3 000 églises nouvelles sont construites entre 1945 et 1969.

Quelques règles sont préconisées pour la construction d’une église nouvelle : le « ratio pastoral » indique que tout paroissien doit se trouver à moins de 600 mètres de l’église ; la construction est à la charge des diocèses, les coûts doivent être raisonnables, en rapport avec l’environnement social.

Le concile de Vatican II (1962) préconise de favoriser la présence des fidèles ainsi que leur participation active. Une commission d’art sacré est créée dans chaque diocèse

 

  III.          III-La nouvelle église Saint-Roch :

En 1961, l’abbé Bavière écrit à Pierre PINSARD (1906-1988), grand nom de l’architecture religieuse. Il a élaboré, à la suite des directives de Vatican II, une théorie de l’architecture religieuse. Il considère que les matériaux sont eux-mêmes porteurs d’esthétique. Il est influencé par le Corbusier et surtout André Lurçat (architecte qui a reconstruit Maubeuge après la seconde guerre mondiale) dont il est proche de la méthode (il faut toujours une longue réflexion sur chaque projet)

 

Cet architecte a réalisé deux couvents, environ vingt églises et de nombreuses chapelles, dont la basilique souterraine de Lourdes, le couvent des dominicains de Lille, l’église ST Pierre Chanel de Bourg en Bresse, l’église St Martin d’Armbouts-Cappel.

 

P. Pinsard est adepte d’une grande sobriété à la fois dans l’usage des matériaux et des lignes pures, tout en respectant une économie de moyens. Il est l’architecte et concepteur de l’ensemble commandé en 1961. Le maître autel set légèrement surélevé, une chapelle latérale est prévue pour les assemblées plus restreintes. La commission d’art sacré préconise de placer le baptistère à droite de l’autel, mais il a été placé au fond de l’église. Les murs de l’église doivent être de couleur blanche. Le permis de construire est délivré en mai 1962.

 

Le projet est financé par le diocèse en partie, un appel est lancé à la population grâce à une exposition présentant la future église. Une kermesse est organisée, le 30 juin 1962, lors de la pose de la première pierre.

Monseigneur JENNY consacre l’église Saint-Roch le 29 novembre 1964.

 

Il restait une partie de l’ancienne église qui fut détruite en 1975.

 

Le plan de l’église comporte une avant-nef, une nef et une chapelle du Saint-Sacrement.

La façade et le clocher sont en briques industrielles. le support des cloches en béton ; celles-ci furent posées le 4 juillet 1975. Un petit jardin y est aménagé, le bâtiment est en briques et les évacuations des eaux de pluie en béton. La statue représentant Saint-Roch est posée sur un socle de béton.

L’intérieur de l’église est un rectangle de 35 sur 28 m, il d’une grande sobriété à l’architecture équilibrée. Il est éclairé par des séries de fenêtres le long des côtés, tout en haut des murs. Le plafond est constituée d’une dalle de béton de plus de 30 tonnes qui repose sur 20 fines colonnettes d’acier. Dans cette dalle sont insérés 4 420 alvéoles réalisées par des pots de fleurs afin d’améliorer l’acoustique.

L’église implantée dans une zone humide est supportée par 47 pieux de béton armé.

 

le choeur le choeur      la gargouille la gargouille   Les pots de fleurs du plafond Les pots de fleurs du plafond  

 

 

Les bancs ont été récupérés de l’institut Don Bosco de Maretz, le sol est recouvert de terre cuite de Gex dans l’Ain, l’autel (3 tonnes) est en pierre d’Ardèche, à sa gauche, l’ambon et à sa droite un espace réservée à la chorale. Des confessionnaux sont installés sur le mur ouest. L’espace derrière l’autel  est utilisé de manière fonctionnelle, le siège en béton du célébrant est surmonté d’un carreau de verre éclairé par la lumière naturelle. Les fonts baptismaux peuvent être attribués à Madame Pinsard qui était céramiste. Autre caractéristique de l’architecture religieuse de P. Pinsard : l’éclairage naturel zénithal de l’autel.

 

L’église est bien intégrée dans le quartier avec ses 5 mètres de haut et son grand dépouillement. 

 

 IV.        IV-Les travaux de rénovation de 2012-2013 :

 

L’église Saint-Roch connaissait des problèmes de vétusté et de mise en conformité aux normes d’accessibilité aux bâtiments accueillant du public, par ailleurs la vie en Eglise amène de nouvelles nécessités : l’espace latéral de l’église doit être repensé pour des réunions, la catéchèse…, tout en respectant la réalisation de P. Pinsard.

 

Le cabinet Dransart a cherché à respecter les règles initiales :

 

    - L’ouverture sur le quartier : des vitrages clairs sur les nouvelles huisseries

lune nouvelle huisserie garnie de verre clair lune nouvelle huisserie garnie de verre clair  

    

    - Remise en valeur de ce que l’architecte avait voulu : l’éclairage général a été repensé en tenant compte de la nature très discrète des matériaux, de la forme très épurée du mobilier liturgique, de la sorte de jeu entre le béton et la brique, entre les couleurs elles-mêmes. La pâte de verre au fond du chœur a été mise en lumière par un éclairage extérieur.

 

             -  L’intégration des nouveautés :

         *Le baptistère qui se trouvait au fond de l’église empêchait la création d’une ouverture sur la nouvelle salle d’accueil. D'autre part, on ne pouvait plus l'utiliser,

le baptistère fixé dans les pierres du sol le baptistère fixé dans les pierres du sol  

vu son emplacement. Il devait être déplacé.. Il se trouve maintenant à la droite de l’autel, les pierres de son socle ont été dégagées et à nouveau encastrées dans le sol, on a percé la dalle de béton pour utiliser le même moyen d’évacuation de l’eau que dans la première implantation.

         *Le tabernacle : il avait été placé initialement dans la chapelle latérale, prévue pour un usage quotidien, mais cet usage a disparu et la chapelle est désormais un espace plus polyvalent. L’idée a donc germé de placer le tabernacle dans le lieu de prière, l’église elle-même. Le siège du célébrant se trouvait enchâssé dans le mur derrière l’autel, donc peu visible de l’assemblée. Le bloc de 3 sièges a été démonté, le tabernacle

le choeur le choeur  

a été accroché sur la partie de mur en béton , couvert d’une peinture de couleur « taupe clair », juste sous la plaque de verre carrée, un chute de pierre du sol des fonts baptismaux a été récupérée pour placer la lampe du Saint-Sacrement à proximité.

Un nouveau siège de célébrant mobile, a été réalisé en bois.

 

              * La partie latérale de l’église, les parois coulissantes et la porte ont été recouvertes d’une peinture bleue rappelant la paroi de l’ancien emplacement du baptistère. La chapelle a conservé la statue de la Vierge, et des lieux de rencontres ont été aménagés.

La vierge de la chapelle La vierge de la chapelle  

 

Les travaux réalisés l’ont été dans les normes liturgiques (voir le Missel Romain de 1969), tout en respectant l’esprit de l’architecte.

 

Article publié par Doyenné cambrai • Publié le Vendredi 12 avril 2013 • 6485 visites

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