La 1ère lecture de ce 18 mars nous fait contempler la figure de Moïse.
A première vue, on a un peu l’impression d’un maître d’école faisant réciter les règles de grammaire à ses élèves, sa baguette en main. Serait-ce vraiment la façon de faire de Dieu ? Nous faire apprendre des règles par cœur ? Je ne le crois pas. Ou alors, tout ça serait dépassé ? Avec l’Evangile d’aujourd’hui, qui nous rappelle que Jésus ne vient pas abolir la loi mais l’accomplir, nous ne pouvons pas le croire non plus.
Alors ? Regardons l’œuvre de plus près.
Moïse est un vieil homme dont l’artiste prend soin de peindre avec réalisme les rides, les veines, les chairs affaissées, les cheveux clairsemés et la barbe grisonnante. L’Exode le rappelle, Moïse est déjà un vieillard, au début de sa mission ; un homme qui a déjà vécu plusieurs vies : né d’un peuple esclave, prince d’Egypte, assassin en fuite, époux, berger… Il a assez vécu pour savoir que l’homme ne parvient pas toujours à agir selon la volonté de Dieu et à respecter son prochain. Pas de jugement en lui pour qui peine sur ce chemin.
Moïse est vêtu d’un magnifique velours bleu brodé d’or, comme celui des prêtres du Temple. Moïse, pourtant n’est pas prêtre. Mais il est l’homme de la rencontre avec Dieu.
D’une main, il retient et les tables de la loi. L’autre, souple, retient à peine sa baguette.
Sa bouche entrouverte exprime sa mission : parler. Transmettre la parole reçue de Dieu.
Figure ouverte, grave mais pas sévère, Moïse nous parle. Sa main traverse l’espace de la toile, hors du parapet de pierre. Il parle. Pour aujourd’hui. Pour nous encore.
Champaigne nous dépeint donc un Moïse bien plus nuancé et plus profond qu’une caricature de maître d’école.
Sa baguette n’est pas destinée à nous faire ânonner les commandements de Dieu comme des tables de multiplication. D’ailleurs, elle ne désigne pas les tables de pierre mais repose sur son épaule. C’est de cette baguette qu’il ouvrit la Mer Rouge pour libérer le peuple, c’est de cette baguette qu’il frappa le rocher pour faire jaillir l’eau et désaltérer le peuple. Sa baguette est signe de l’œuvre de Dieu en lui, pour faire grandir la liberté et la vie dans son peuple.
Voilà qui peut nous aider à méditer sur la loi de Dieu, qui n’est pas une liste de commandements à apprendre, mais un chemin de liberté et de vie, un chemin qui nous aide à nous approcher du Seigneur, un chemin pour vivre sur la Terre Promise, qui n’est plus un territoire, mais le Royaume des Cieux ouvert par le Christ.
(Moïse présentant les tables de la loi, vers 1648. Philippe de Champaigne (1602-1674) huile sur toile, 93 x 74 cm. Milwaukee Art Museum)