Mater Dolorosa
Assise, elle attend. Ou peut-être n’attend-elle plus rien, mère de douleur épuisée après l’inique procès de son enfant unique, son supplice et son ensevelissement en hâte.
Digne, elle se tient droite. Vêtue de nuit, vieillie, comme toute l’humanité qui a laissé mourir celui qui était sa jeunesse, elle porte en elle tous les souvenirs de ces dernières heures.
Le mur derrière elle est comme aspergé de sang. Une croix s’y dessine, discrète.
Comment oublier le corps flagellé, crucifié, le sang offert en spectacle aux hommes avides de violence ?
Mais ce n’était pas un spectacle. C’était son enfant. L’enfant qu’elle a bercé autrefois de ses mains douces de jeune mère.
Celles-ci sont maintenant démesurées. Il y a quelques heures, elles ont bercé une dernière fois l’enfant devenu adulte, nu comme à sa naissance. Elles en ont gardé la couleur du sang.
Hébétée, Marie serre les lèvres. Courageuse tentative pour ne pas pleurer, ou silence devant le mystère douloureux.
Autrefois elle avait répondu oui à son Seigneur qui promettait le Salut. Aujourd’hui, sa bouche est close. Dieu pourrait-il demander à une mère d’acquiescer au meurtre de son enfant ?
Son regard nous échappe. Voit-elle plus loin que nous ? Pressent-elle que les paroles et les gestes de son Fils vont porter fruit ? Comme ses amis, comme Marthe, la sœur de Lazare, croit-elle que bien sûr, la résurrection adviendra, mais au dernier jour ?
Le secret de son cœur a pris une nouvelle dimension, douloureuse comme jamais. L’ange lui avait promis que son Fils serait grand, qu’il règnerait sans fin. Maintenant qu’il est mort, « Comment cela va-t-il se faire » ? N’est-il vraiment rien d’impossible à Dieu ? (cf Luc 1, 32-37)
Michel Ciry (1919-2018), Mater Dolorosa, huile sur toile, 150x130cm, 1963.