Résurrection
Nous méditions hier avec une partie du retable d’Issenheim, terrible mise en scène du mystère de la croix. Le retable, complexe, comportait plusieurs ouvertures. Au temps de la croix succède celui de la Résurrection, inéluctable promesse de vie pour qui met sa foi dans le Christ, jusqu’au cœur de l’épreuve.
Casqués, armés, équipés de lourdes armures et d’épaisses cottes de maille, ils sont les guerriers fatigués d’un monde dans la nuit. On leur a commandé de garder un tombeau. Mort et nuit, voilà leur triste sort. L’artiste les a peints avec netteté, soulignant les contours et leurs attitudes complexes, pour les rendre pesants et si terrestres.
Grünewald met ainsi en lumière la force du miracle : un souffle de vie tempétueux, capable de faire basculer une lourde dalle de marbre et de disperser la vaine soldatesque, bousculée et même propulsée dans la nuit.
Le linceul étroitement serré autour du cadavre s’élève dans le ciel, comme une légère nuée palpitante de vie. Le manteau de pourpre dérisoire couleur du sang versé jusqu’à la mort est devenu céleste manteau de gloire.
Le Ressuscité s’élève en majesté. Ses membres aux contours précis attestent de sa matérialité, tandis que son torse et son visage, tout en glacis légers, se confondent avec l’étonnant soleil nocturne qui donne à l’œuvre son caractère fantastique. La résurrection du Christ échappe à notre compréhension. Nos « comment ? » sont sans réponse.
Le sens de l’Incarnation est désormais pleinement manifesté : Le Seigneur Jésus offre à nos regards les blessures que nous lui avons infligées, les traces du péché dont nous sommes victimes et complices. Ses plaies sont plus puissantes que les armes des soldats. Son visage doux nous apaise : sa résurrection est promesse de vie pour l’humanité, lourde, fatiguée et blessée.
On croyait l’arbre de vie coupé à la racine. Voici qu’il rejaillit vivant d’une vie que plus rien ne pourra abattre. Laissons-nous bousculer par le souffle de la Résurrection. Car rien n’est impossible à Dieu.
Mathias Grünewald (c.1475-80-1528) Retable d’Issenheim, 1512-1516. Huile sur bois, Colmar, musée d’Unterlinden.