La compassion du Père
Le XVe siècle voit se développer dans toute l’Europe la Devotio Moderna, spiritualité centrée sur la compassion envers le Christ souffrant. C’est dans ce contexte que l’ancien thème du Trône de Grâce évolue vers celui de la Compassion du Père.
L’Evangile d’aujourd’hui (Jn 3, 31-36) nous rappelle que le Christ est « celui qui vient d’en haut ». En représentant Dieu le Père en majesté entouré d’anges, l’artiste exprime cet « en haut », ce monde divin pourtant irreprésentable. Le Fils, dans les bras du Père, est donc de condition divine. Il l’est au-delà de sa Passion, rappelée par les anges qui en tiennent les instruments les plus blessants : la croix, les clous et la lance qui perça le côté. Il l’est, au-delà de sa mort : cadavérique, il montre pourtant la plaie de son torse. C’est un homme, et c’est un Dieu ; c’est un mort, et un vivant.
Jean donne l’explication de la condition mystérieuse de Jésus : « le Père aime le Fils ». Assisté d’un ange qui retient le poids du corps, les mains couvertes d’un voile huméral, le Père, le visage triste, tient contre lui le corps de son Fils dont il préserve la pudeur. La composition est proche de celle de la Pieta, image de Marie portant le corps mort de son Fils. Dieu est éploré comme l’est Marie. Eploré, mais droit et souverain.
Le regard fixé sur nous, comme celui de l’ange en bas à droite, le Père fait appel à notre compassion. On peut mettre sur ses lèvres les paroles du Livres des Lamentations que la Tradition met sur celles de Marie : « Voyez s’il est une douleur pareille à la douleur qui me tourmente » (Lm 1, 12)
Mais l’œuvre, à l’instar de l’Evangile, guide notre contemplation au-delà de la compassion et de la douleur : « Dieu lui donne l’Esprit sans mesure » La blanche colombe, éclatante de vie, est ce lien d’amour qui unit le Père et le Fils, amour qui nous est offert comme chemin de vie divine,
Homme de chair, Jésus est du ciel.
Passé par la mort, Il est vivant.
Parce qu’Il est le Fils Bien-aimé.
Soyons du Ciel, soyons vivants, accueillons l’amour du Père.
Colijn de Coter (1450-55 – 1539-40) c. 1510-1515. Huile sur bois, 1,7 x 1,2 m. Paris, musée du Louvre