Le Christ et St Thomas
Quatre mains de la même chair et du même sang, quatre mains d’ombre et de lumière, constituent le cœur de l’œuvre. Si elles ne se sont pas géométriquement au centre, elles attirent l’attention et fascinent, comme souvent dans l’œuvre de Michel Ciry.
Les premières, en bas, sont celles de Thomas. Le jumeau. Le nôtre, peut-être. Vêtu d’orange vif qui tranche singulièrement sur le fond d’azur, c’est un homme inquiet. La lumière ne l’atteint que de dos. De face, il est plongé dans l’ombre. Avec son visage creusé, ses yeux cernés, sa barbe de quelques jours, il semble rongé d’inquiétude, insomniaque à force de chercher à comprendre, blessé au plus profond de lui-même.
Thomas, pourtant, ne s’est pas enfermé sur sa douleur. Il est prêt à la rencontre, il la désire : son oreille en pleine lumière, ses lèvres pleines de vie le manifestent. Ses mains surgissent de la nuit pour accueillir celles, lumineuses, d’un autre homme. Elles se font coupe, elles se font prière.
Ses yeux fatigués de pleurer ne peuvent pas quitter le visage mystérieux, mais ce face à face nous échappe. Nous pouvons pourtant identifier celui qu’il rencontre : ses mains percées sont celles d’un crucifié, son vêtement se confond avec le ciel, et la lumière qui frappe sa paume de main se communique déjà à Thomas. Il est ce « Jésus que vous avez crucifié et que Dieu a ressuscité » (cf. Ac 4, 10) Il est ce Messie envoyé pour partager la vie des hommes et qui regagne le ciel, présence absente ou absence présente pour nous.
Thomas découvre, bouleversé, « Son Seigneur et son Dieu » (Jn 20, 28). Il commence à peine à se réchauffer à sa présence, à quitter la nuit de la mort. Il goûte à la miséricorde du Seigneur qui vient encore à sa rencontre alors qu’il l’a laissé mourir seul et qu’il erre dans la nuit du doute. L’Esprit-Saint offert achèvera bientôt de l’enflammer et lui rendra la confiance en lui et la joie de suivre le Christ
Michel Ciry (1926- 2018), Huile sur toile