Homélie de Pierre Hego, diacre

pour la journée mondiale des malades

le 11 février 2018

montre moi ton visage sans-titre montre moi ton visage sans-titre  MONTRE­-MOI TON VISAGE

 

Lv 13, 1-2.45-46   

      Ps 101, 2-6.13.20-21   

                    1Co 10,31-11,1      

                                 Mc 1,40-45           

 

« Montre-moi ton visage » ! En croisant le regard du lépreux, c’est certainement ce que Jésus a dû se dire. En ce dimanche de la Santé, où nous fêtons Notre-Dame de Lourdes qui est aussi la Journée Mondiale du malade, la Pastorale de la Santé a retenu ce thème : « Montre-moi ton visage ».

 

Le chant de méditation que nous prendrons après la communion n’est pas étranger bien évidemment à ce thème :

 

« Je cherche le visage, le visage du Seigneur,

Je cherche ton image tout au fond de ton cœur »

 

Il est vrai que les préceptes tels qu’ils sont établis et codifiés dans le Livre des Lévites, comme nous avons pu l’entendre lors de la première lecture, ne vont pas vraiment dans le sens de ce thème, bien au contraire ! « Quand un homme aura sur la peau une tâche de lèpre [...] il se couvrira le haut du visage », et, qui plus est, de rajouter « ...et il criera : « Impur ! Impur ! [...] C’est pourquoi il habitera à l’écart. » Ce n’est ni plus ni moins qu’une double peine. A la fois, elle oblige le lépreux à se couvrir le visage et ainsi se couper du regard des autres et en plus à vivre en dehors de la communauté et donc de se couper de toute vie sociale.

 

Jésus apporte une certaine rupture dans ces notions de pureté et d’impureté. Comme nous le rappelait Saint Marc cette semaine, « Rien de ce qui est extérieur à l’homme et qui entre en lui ne peut le rendre impur, mais ce qui sort de l’homme, voilà ce qui rend l’homme impur ». Autrement dit, c’est le cœur de l’être humain, lorsqu’il s’éloigne de la source de la vie et de l’amour, qui devient impur. Jésus touche le lépreux et ne craint pas de contracter une impureté. Par contre il est important pour Jésus de ne pas en rester là. Il enjoint le lépreux, guéri de sa maladie, à se présenter au prêtre et ainsi aller jusqu’au bout de son acte de foi et retrouver une vie sociale normale. Ce qu’il ne fait pas, ceci dit.

 

Le regard que porte Jésus au lépreux est un regard d’Amour, de compassion. Certes, il le guérit, médicalement parlant. Mais, au-delà de cela, c’est une résurrection qu’il propose. Ce regard, ce geste, cette parole, sont autant de liens offerts à la personne souffrante pour la sortir de son isolement.

 

Ces textes sont on ne peut plus actuels et renvoient à notre condition humaine. Quelles sont nos lèpres ? Qu’est-ce qui empêche ou qui nous retient dans la relation, voire même porter un simple regard, avec la personne souffrante ou tout simplement l’autre, l’étranger, notre voisin ?

 

Un jour, une malade me disait qu’elle était désolée de montrer un visage chiffonné. Elle faisait alors allusion à l’histoire de ce billet de 20 euros que l’on chiffonne, piétine, plie dans tous les sens tout en gardant sa valeur. Le visage de l’autre n’est qu’une apparence, l’essentiel réside dans le cœur. C’est l’âme de la personne qu’il faut aller chercher à travers le regard de l’autre. Le thème de ce dimanche de la Santé pourrait alors plutôt s’intituler : Montre-moi ton vrai visage ! Au-delà des paroles, Nous nous rappelons alors celles du refrain « je cherche le visage du Seigneur, tout au fond de ton cœur ».

 

Aussi, je vous propose un petit exercice, peut-être pas si évident même un peu dérangeant. Nous allons, chacun, l’espace de quelques secondes, regarder son voisin ou sa voisine, sans paroles ni commentaires. Ce ne sera pas un simple regard voire un coup d’œil de notre part mais c’est plutôt votre voisin ou voisine qui vous montre son visage, et vice-versa, à l’image du Christ en croix défiguré mais plein d’Amour, un visage plein d’espérance en Christ ressuscité.

 

 ………….

 

Merci d’avoir joué le jeu. Affronter le regard de l’autre n’est pas une mince affaire. Le lépreux a eu, dans un acte de foi, l’audace de s’approcher et d’interpeler Jésus, se mettant hors-la-loi, au risque d’un rejet réflexe de la société et d’une fin de non-recevoir de la part de Jésus. Et, pour Jésus, la volonté du Seigneur est plus forte que tout « Je le veux, sois purifié ».

Cela nous invite à nous poser la question : Avant de se tourner vers Jésus, quel chemin intérieur faire à l’exemple du lépreux ? Sommes-nous assez convaincus dans la foi pour que notre demande ou notre prière puisse dépasser toute réticence et tout frein ? Sommes-nous convaincus que notre demande soit recevable, au-delà de toutes les conventions, usages, coutumes, règles ?

 

Le lépreux, au-delà de la guérison, demande à être purifié. Par la purification il réintègrera à nouveau la société. C’est donc de l’isolement que Jésus sauve le lépreux.

 

            Nous avons là deux facettes de l’Homme souffrant. Celui qui souffre dans son corps de sa maladie mais aussi l’Homme, seul, face à sa maladie et privé de relations, qui souffre dans son cœur de l’isolement.

 

            Nous pouvons saluer et rendre grâce pour toutes les personnes des aumôneries, tant hospitalières et de clinique, de prison ainsi que celles qui vont porter la communion à des personnes dans l’incapacité de participer à l’Eucharistie, et aussi toutes personnes rendant visite ou en charge de prendre soin. Puissent toutes ces personnes, au service de la Charité et de la communion, porter le message d’Evangile : « Aimez-vous les uns les autres comme je vous ai aimés » ou comme cité dans les Actes de Apôtres à propos des premières communautés : « Voyez comme ils s’aiment ».

 

            Ce samedi, en conseil de doyenné, le Père Manoukian, fondateur de l’Equipe Missionnaire itinérante nous exposait la foi missionnaire que chaque baptisé a le devoir de transmettre. Je vous en livre ici quelques miscellanées : « La grâce se reçoit souvent accompagné de quelqu’un [...] la foi ne peut pas se vivre seul […] être en communion avec nos frères […] le moteur de la conversion et dans le cœur l’autre […] le but d’une mission est de se donner des permissions intérieures et s’autoriser à inviter ».

           

            A  la suite de Jésus,   c’est tout Homme et tout l’Homme, dans toutes ses dimensions, physique, morale et sociale, qui est l’enjeu de toute politique et de toute pastorale de santé. C’est donc à lui qu’il revient de se laisser entendre dire : « Montre-moi ton visage ».

 

 

Article publié par Doyenné de Cambrai • Publié le Mercredi 14 février 2018 • 2589 visites

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