Homélie du père Venceslas Deblock

 

Homélie du père Venceslas Deblock

Fête de la Présentation du Seigneur, journée mondiale de la vie consacrée

90 ans de la congrégation des petites sœurs des maternités catholiques

2 février 2020, cathédrale

Syméon attendait la consolation d’Israël. Et il reconnut la présence du Seigneur en l’enfant porté par ce couple.  Attendre. Reconnaître la présence du Seigneur. Il y a bien assez pour faire une homélie

Attendre ou ne pas attendre ?

Au temps du prophète Malachie, on n’attendait pas grand-chose de Dieu. Au temple, les prêtres n’attendaient rien, et l’Alliance avec le Seigneur n’était pas une priorité. L’injustice sociale, et l’indifférence envers le Seigneur. C’était l’esprit du temps. Et Malachie s’élève contre cette indifférence et ce mépris. Il invite à chercher le Seigneur, à scruter le quotidien, sûr que le Seigneur viendra lui-même jusqu’aux hommes, puisque les hommes ont tant de mal à vivre en Alliance avec lui.

Au temps de Jésus, les choses étaient sans doute plus partagées. Le judaïsme était très diversifié, entre les pharisiens, champions de la Torah, qui attendaient éventuellement un signe de Dieu, le milieu du Temple, qui continuait à fonctionner, marqué par  les sadducéens qui n’attendaient rien, et divers courants spirituels, plus ou moins apocalyptiques, qui attendaient ardemment un signe de Dieu, soit pour renouveler leur foi, soit pour libérer le peuple de l’oppression politique romaine. Au cœur de cette époque, Syméon et Anne, nous sont présentés comme deux figures de sainteté dans l’attente. Leur âge dit leur persévérance.

Et nous ? ah ben … c’est pas jojo… nous entendons chez nos contemporains, en nous-mêmes aussi, tant de lassitude, tant de résignation fatiguée parfois, dans notre Occident désabusé ! J’ose même aller plus loin… dans notre vie spirituelle, attendons-nous vraiment le retour victorieux du Seigneur Jésus ? L’espérons-nous comme une réalité concrète ? Avons-nous hâte ? Je dirais bien que personnellement, le matin, au réveil, mon espérance et mon attente ne me conduisent parfois que jusqu’à la cafetière.

Et pourtant, la fête de la Présentation du Seigneur réveille en nous cette attente, comme une flamme d’espérance pour notre monde : le Seigneur vient à nous. Il est venu, en la personne de Jésus, Il se rend présent au monde, chaque jour, par le don de l’Esprit-Saint, et Il reviendra achever de nous libérer du péché et de la mort.

Le Seigneur vient à nous

La première, bientôt soutenue par Joseph, Marie fait l’expérience de la venue du Seigneur. D’une façon unique.

L’auteur de la lettre aux Hébreux fait écho à cette réalité extraordinaire : Jésus a partagé le sang et la chair humaine, il a partagé notre condition mortelle, semblable à nous pour être digne de foi devant le Père.

Contemplons Syméon et Anne.

Syméon. Un homme juste. Comme Joseph. Religieux. Qui attend la consolation d’Israël. Se laissant guider par l’Esprit-Saint. L’Evangile le répète, 3 fois. Un homme qui reçoit l’enfant dans ses bras, et bénit Dieu.

J’oserai une comparaison eucharistique. Quand nous recevons le corps du Christ. Dans nos mains ou sur nos lèvres, peu importe si notre attitude est digne et exprime notre foi, nous sommes invités à être des Syméon qui écoutent l’Esprit-Saint nous inviter à l’eucharistie et  nous aider à confesser la présence sacramentelle de Jésus. Des Syméon capables de bénir le Seigneur pour sa présence, et à y reconnaître la promesse que jamais le Seigneur ne nous abandonne, car Il donnera son salut. Pensez-y tout à l’heure, en vous préparant à communier.

Contemplons Anne, maintenant. Une femme. Par rapport à Syméon, elle se fait  partage. Elle annonce ce qu’elle a vu. Madeleine est le 1er témoin de la résurrection de Jésus. Anne est le 1er témoin de sa venue. Deux femmes, deux âges différents. Anne, comme Madeleine, nous invitent à être témoins, à témoigner de la présence de Dieu en ce monde, et en son retour glorieux.

Et ceci, au cœur d’un monde en Passion,  d’un monde en souffrance. Syméon, déjà annonce l’épreuve de la Passion de Jésus. Il ne le fait pas pour jeter un froid ou faire peur. Mais parce qu’il ne faut jamais séparer l’Incarnation de Jésus de sa passion. Enfance et Croix sont toujours liées. (Pensons à Ste Thérèse de Lisieux, à l’Ecole française, à tant de grands spirituels…)

Dolorisme ? Je ne crois pas. Ca le serait si personne en notre monde ne souffrait. Ce qui est loin d’être le cas. La lettre aux hébreux explique très bien les choses : « parce qu’Il a souffert  l’épreuve de la Passion, il est capable de porter secours à ceux qui subissent une épreuve.

En Jésus, Dieu vient à nous, et particulièrement, il vient aux plus souffrants.

Si nous croyons que le Seigneur est venu, qu’il se rend présent, et qu’il reviendra dans la gloire, alors, nous aussi, nous devons vivre dans l’attente.

Attendre le Seigneur, (et pour nous, son retour) c’est quoi ?

Il nous faut revenir aux personnages des lectures.

Malachie d’abord, comme d’autres prophètes, il n’hésite pas à dénoncer sévèrement l’injustice sociale de son temps, qui est une blessure insupportable de l’Alliance avec le Seigneur.

Attendre le Seigneur, c’est prendre notre part dans le combat pour la justice sociale et le réconfort de ceux qui en sont le plus victimes.

Syméon. Avec Syméon, attendre le Seigneur, c’est vivre guidé par l’Esprit-Saint.

C’est chercher à reconnaître la présence de Dieu au cœur de l’Eglise et au cœur du monde.

Au cœur de l’Eglise, dans les Sacrements, œuvre de l’Esprit-Saint, dans la Parole, que nous ne pouvons lire et comprendre que si nous nous laissons éclairer par l’Esprit-Saint.

Anne nous envoie au monde porter cette nouvelle. Elle ouvre l’événement. Elle nous invite à chercher l’œuvre de l’Esprit en nos frères. Ecouter ce que le monde dit, respecter le frère, même différent, c’est reconnaître et respecter la liberté de l’Esprit-Saint. Nous laisser guider par Lui va jusque là… ce n’est pas une question de tolérance molle. C’est une question de foi en l’œuvre libre de l’Esprit-Saint.

Si nous cherchons à vivre ainsi, dans l’Esprit-Saint, nourris des Sacrements, à l’écoute de la Parole et de tous nos frères, recueillant dans notre prière le discernement juste qui nous permet de reconnaître le passage de Dieu dans le monde, alors, oui, nous sommes en attente du Seigneur, concrètement.

Et vous, sœurs consacrées, présentes au cœur de notre ville, dans la rencontre de tous, dans leurs joies, leurs épreuves aussi ; présentes à la vie et à la prière de notre communauté de doyenné, vous êtes le signe précieux que ça vaut le coup, toute sa vie, de témoigner de cette libre présence du Seigneur, et d’attendre à la suite du peuple de la Bible, sa venue, son retour, son Salut libérateur et définitif.

Merci d’être parmi nous, de petites (ce qui n’a rien à voir avec la taille de Sœur Marie-Yves ou de Sœur André-Marie), de petites flammes, de chaleureux signes de la lumière que le Seigneur offre et promet à notre monde, qu’il L’ignore, ou qu’il L’attende. AMEN

 

Article publié par Doyenné de Cambrai • Publié le Mardi 04 février 2020 • 1152 visites

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