Homélie du père Jean-Marie Launay

Cher Gérard,

 

Si tu as choisi de garder l’évangile de ce samedi de la 11ème semaine du temps ordinaire, c’est qu’il redit avec assurance le choix fondamental et définitif que tu as fait il y a 50 ans lors de ton ordination sacerdotale : oui, c’est bien le Dieu de Jésus que tu as choisi de servir pour sa gloire et le salut des hommes et des femmes qui t’ont été confié, particulièrement les plus fragiles.

 

Comme pour tout disciple, ton histoire sainte a commencé par une rencontre déterminante, un buisson ardent comme celui de Moïse, de Jérémie ou de Pierre. Tu t’es laissé gagner par un désir qui ne venait pas de toi et qui t’a chuchoté au cœur : « Gérard, j’ai besoin de toi comme prêtre pour que mon Eglise soit servante de toute humanité ». A la source de ta vocation comme de toute vocation, il y a eu ces premières rencontres, celles que l’on n’oublie pas, celles de l’amoureux qui vient éprouver la force de l’amour de l’être aimé. « Gérard, m’aimes tu ? M’aimes tu vraiment ? » Et l’Esprit Saint a suscité au cœur de ton cœur la réponse : « Oui, Seigneur tu sais que je t’aime ! » réponse qui provoque l’invitation définitive ; « Gérard, suis moi »

 

Après l’enthousiasme des débuts, dans la durée, comme chacun de tes frères engagés dans le sacerdoce ou dans le service de l’humanité, tu as fait l’expérience de la tentation : Ceux qui te connaissent ne peuvent soupçonner un seul instant que tu aurais pu succomber au dieu argent, mais comme tout un chacun, l’orgueil sous toutes ses formes, est venu attaquer ta vocation de serviteur, ce démon qui ne peut être vaincu que dans la contemplation du crucifié qui a donné sa vie pour toi, et, par toi, à l’humanité. Et sous le regard du Dieu d’Amour jusqu’au bout, tu t’es rappelé que cette humanité blessée dans le diocèse de Cambrai, t’a été confiée par Mgr Jenny, puis Mgr Delaporte et Mgr Garnier, 3 évêques qui t’ont associé à leur ministère d’apôtre.

 

Oui, Gérard, comme tout disciple de Jésus, tu as appris dans le combat spirituel que le disciple est invité à refaire chaque jour ce choix fondamental. Au fil de ces 50 années, tu as acquis la conviction que Jésus ne peut confier sa force d’amour qu’à des hommes et des femmes qui se savent et se reconnaissent faibles. L’humilité est la vraie force de l’apôtre, comme le souligne Paul aux chrétiens de Corinthe. Oui, l’Eglise est confié à des êtres fragiles, pas meilleurs que les autres mais disponibles pour le service de la construction du corps, confiants dans la miséricorde du Seigneur toujours offerte pour relever des chutes, conséquences des échardes qui les empêchent de se surestimer. Le véritable disciple est chaque jour invité à mourir à sa suffisance et à ses certitudes de ne jamais abandonner Jésus. Chacun sait que, au moment de l’épreuve, quand l’écharde devient plus douloureuse, tout peut s’effondrer. Le disciple vit alors sa pâque, il laisse tomber les armes et il s’abandonne complètement à l’amour livré de Dieu.. Ce jour-là, le disciple devient vraiment apôtre. Le Maître le relève et lui confie alors une seule provision pour la route de la mission : son amour, un amour à distribuer à profusion dans le monde entier.

 

Cet amour, Gérard, tu as voulu le répandre sans modération, comme bâtisseur d’une Eglise toujours à bâtir et rebâtir, comme j’en ai été le témoin lors de mon premier stage de séminariste à tes côtés en 1980 aux chaudrons à Valenciennes. Dans le service de l’AJAR, des aumôneries de l’enseignement public, de la Pro Vita, des communautés du Togo ou du Cateau entre autres, au conseil épiscopal, accompagné par ta famille et tes plus fidèles amis, tu as rencontré des milliers de visages qui ont faconné celui que tu es devenu. Avec eux, tu as vécu des grandes joies et aussi des combats qui t’ont mis à l’épreuve mais dont tu es toujours sorti affermi dans ton choix premier de servir dans l’ Eglise de Jésus, les espérances et les angoisses des hommes, de tout homme, de tous les hommes et femmes de ce pays du Nord.

 

En parlant de ton ministère, Gérard, je parle tout autant de celui des prêtres, des diacres, des consacrés et des baptisés laïcs de cette assemblée. Si nous jubilons pour tes 50 années de sacerdoce, c’est d’abord pour faire mémoire et nous réjouir de tous ces buissons ardents de la première vocation, du premier amour. Tous ici, baptisés laïcs, religieux, prêtres et diacres, nous avons sans cesse à ranimer le buisson ardent de notre vocation première et en faire le récit émerveillé. Notre assemblée d’Eglise, c’est aussi pour nous réjouir de la diversité, de la complémentarité et de la fécondité de toutes nos vocations quand elles jouent ensemble la partition de l’Evangile sous la conduite d’un seul maître : le Christ

 

Alors, fortifiés par la parole du Seigneur confiée à chacun de nous, il nous faut annoncer au monde qui nous entoure la paix et la joie profondes que tant de personnes attendent sans l’avoir encore rencontrée. Si nos vies sentent bon l’Evangile comme la tienne Gérard, alors elles deviendront contagieuses

 

Alors, frères et sœurs, en ce jour du jubilé de Gérard, ne sentons nous pas en nous le désir de mettre encore plus la main à la pâte missionnaire de l’Eglise, une Eglise toujours plus aimable et aimante, une Eglise plus miséricordieuse, une Eglise qui regarde et écoute à la manière de Jésus, une Eglise qui se laisse toucher et qui sait trouver les gestes qui apaisent, consolent, relèvent…Au delà de notre péché, de nos échardes, Jésus, en ce matin de fête, nous convoque à la mission de salut qu’il est venu offrir en abondance.

 

Alors, à la suite de Jésus, comme lui et pour lui, avec Gérard le batisseur qui ne tiendra pas en place tant qu’il y aura du boulot d’évangile, voulons nous continuer à devenir disciple missionnaire pour la gloire de Dieu et le salut du monde ? Allons , les bénis du Père, la moisson est abondante ! Amen

Jean-Marie Launay

Article publié par Doyenné de Cambrai • Publié le Lundi 25 juin 2018 • 1530 visites

keyboard_arrow_up