Notre Dame de Fatima 13 mai 2019
« Moi, je suis venu pour que les brebis aient la vie, la vie en abondance ». Ces paroles de Jésus devraient être gravées dans notre cœur. Ne nous arrive-t-il pas comme pour beaucoup de chrétiens que notre foi soit devenue un sentiment personnel ou une opinion parmi d’autres ? Or quand Jésus invite à croire en lui et à le suivre, il utilise des verbes actifs : entrer et sortir. L’auditoire de l’époque pétri de la Bible savait que Jésus évoquait la prière de Moïse avant sa mort : « Que mon Seigneur, le Dieu tout-puissant, établisse sur cette communauté, un homme qui sorte et rentre à leur tête » (Nb 27,15).
En proclamant devant le Peuple juif et ses chefs qu’il est le pasteur qui fait sortir et rentrer, Jésus proclame ainsi la réalisation de la prière de Moïse. Ce que les rois et les prophètes n’ont pas réussi ou que partiellement, Jésus l’accomplit en proposant à toute l’humanité de quitter le pays du mal et du péché pour entrer dans la terre promise définitive, celle du Royaume de Dieu.
Par sa mort et sa résurrection, Jésus est véritablement la porte qui donne accès au ciel et le bon berger qui vient vers nous pour marcher avec nous.
Par la mort et la résurrection de Jésus, le ciel et la terre sont définitivement liés, et Jésus continue d’être pour nous la porte et le berger. L’Eglise à laquelle nous appartenons par le baptême est ainsi le Peuple en pèlerinage vers le ciel, notre patrie définitive. Les saints et spécialement la Vierge Marie qui sont auprès de Dieu, restent actifs et nous soutiennent par leur prière. Bien plus, Dieu leur permet d’intervenir sur terre comme la Vierge Marie a pu le faire en 1917 à Fatima.
Elle est venue pour apprendre à l’humanité à aimer le Christ et à « sortir et entrer » avec lui pour goûter à la vie nouvelle.
Ce mouvement « sortir et entrer » est le rythme vital qui anime l’Eglise, C’est le rythme du cœur de toute communauté chrétienne, celui de la contraction et de la dilatation, celui du rassemblement et de l’envoi. Sans ce rythme, il n’y a en réalité pas d’Eglise. Celle-ci n’est pas seulement le Peuple rassemblé, mais aussi envoyé. Jésus le bon pasteur appelle ses brebis, à l’écouter et à se rassembler autour de lui, mais il les invite en même temps à le suivre en sortant de l’enclos.
Être rassemblée et envoyée, voilà les deux manières ou plutôt l’unique manière pour l’Eglise de vivre et de témoigner du Christ.
Pourtant, on a pris l’habitude de parler de chrétiens pratiquants et non-pratiquants. Il est vrai qu’il y a des personnes qui manifestent une droiture et une honnêteté dans leur vie familiale et professionnelle, sans participer à la messe du dimanche. Mais le risque est grand de réduire la foi à une loi purement morale ou à une règle de vie. C’est amputer la foi de la relation personnelle au Christ et aux membres de son Corps et l’empêcher de se déployer.
Est-ce qu’un père ou une mère peut se contenter de se consacrer à son travail professionnel et de considérer le temps en famille comme du temps perdu ? De même, pour la foi, on ne peut pas miser uniquement sur le comportement à tenir et les actions à mener ; la foi a besoin des moments gratuits pour se ressourcer dans les sacrements et dans la vie d’une communauté chrétienne.
D’un autre côté, si on considère ceux qui participent à l’eucharistie dominicale et aux célébrations de l’année liturgique, on peut parfois leur reprocher une attention trop grande à la tradition à observer. Les critiques vis à vis de ceux qui sont fidèles aux célébrations sont souvent rapides, mais ils peuvent les recevoir comme une invitation à repérer les écarts entre le témoignage de vie et la fréquentation des sacrements. Car la foi nourrie par les sacrements est appelée à féconder la vie quotidienne par les œuvres d’amour, sinon elle est une foi morte.
Ainsi pour l’Eglise, « rentrer et sortir », être rassemblée et être envoyée, est bien le rythme vital pour qu’elle se laisse irriguer par la vie du Christ et pour qu’elle la répande dans le monde. Le rassemblement et l’envoi ne sont pas comme deux éléments d’un cycle, mais comme les deux pieds pour avancer avec le Christ dans la lumière et la joie de sa vie de ressuscité.
A Fatima, la Vierge Marie a appelé à la conversion en demandant de prier et de participer aux sacrements de l’eucharistie et de la réconciliation. Mais Marie invite en même temps à porter des fruits de conversion en témoignant du Christ au cœur de la société qui s’éloigne de Dieu et se laisse prendre aux pièges du Mal où ce sont les plus riches et les plus violents qui dominent.
Alors, frères et sœurs, si nous voulons honorer Notre-Dame de Fatima, laissons-nous conduire par elle vers le Christ, en puisant lumière et force dans les sacrements et en vivant davantage en disciples du Christ dans notre vie quotidienne.
Comme François, Jacinthe et Lucie, nous avons à préparer nos propres cœurs par la prière toute simple que l’Ange leur a apprise quelques mois avant que la Vierge Marie ne vienne à leur rencontre et les conduise au Christ :
« Mon Dieu, je crois, j’adore, j’espère et je vous aime, je vous demande pardon pour ceux qui ne croient pas, qui n’adorent pas, qui n’espèrent pas et ne vous aiment pas ».
Que Notre Dame nous aide à mieux nourrir et vivre notre foi de la vie que le Christ ressuscité veut nous offrir.
+ Vincent Dollmann
Archevêque de Cambrai
13 mai 2019