La méditation du vendredi 15 mai

proposée par le père V. Deblock

Le Sacré-Cœur (Jn 15, 12-17)

Desvallieres Sacre Coeur Desvallieres Sacre Coeur  

« Aimez-vous les uns les autres comme je vous ai aimés ». La liturgie  de ce jour nous place au cœur-même de l’Evangile : une parole directe, dont nous devons reconnaître que jamais nous n’aurons fini de la mettre en œuvre.

L’amour du Seigneur évoque pour nous, à la suite des prophètes, un amour de tendresse, d’intimité, pleinement révélé dans le Christ. Il est bon de le méditer, de le savourer, pour vivre dans l’espérance et y puiser la force.

Mais la tendresse du Seigneur n’a rien de mièvre. Elle se révèle dans la violence de la Passion. Comme l’écrivait St Bonaventure au XIIIe siècle, « par la blessure visible de la chair, nous voyons la blessure invisible de l’amour » refusé par les hommes.

La dévotion au Sacré-Cœur de Jésus prit son développement en France au XVIIe siècle et connaît un regain de vitalité à la fin du XIXe siècle. Elle aboutit à une image douceâtre d’un Christ à la beauté irréelle montrant un cœur artificiellement plaqué sur son vêtement.

Des artistes chrétiens cherchèrent alors  de nouvelles formes plastiques pour rendre à cette dévotion sa force, et exprimer à quelle violence Dieu consent en la personne du Fils pour nous monter « comme il nous aime ».

Cette œuvre de Georges Desvallières, proche de Maurice Denis, s’inscrit dans cette recherche. Alors que la basilique de Montmartre, peinte derrière le Christ, est en pleine construction, il met en image une vision qu’il eut en se promenant dans le quartier de Pigalle : « en levant les yeux, j’aperçus l’église du Sacré-Cœur au dessus de nous, au bout d’une rue. C’était comme si le Christ avait surgi ouvrant son cœur sur ces pauvres êtres qui cherchaient un peu d’amour »

Desvallières peint un Christ supplicié, mais détaché de la croix, actif, offrant lui-même sa vie et son amour, en écho à sa parole « Ma vie, nul ne la prend mais c’est moi qui la donne » (Jn 10, 18) Ecartant  lui-même la plaie de son côté, Jésus montre lui-même son cœur, organe de la vie qui bat à jamais en sa poitrine de ressuscité, transpercé par les hommes et offert pour les faire vivre de sa vie. 

Par une peinture au graphisme violent, lacérée comme un corps flagellé, il rappelle que la tendresse de Dieu s’exprime pleinement dans le don du Christ sur la croix, entier et marqué par la violence extrême, violence du monde qui refuse son amour salvateur.

L’œuvre, exposée au Salon des Indépendants en 1906, fit sensation. Léon Bloy en fit une relation enthousiaste : « A force d’amour et de foi, vous avez fait un Sacré-Cœur (…) à pleurer et à trembler. Vous avez déchaîné ce lion. (…) Chacun de nous est sauvé [par le Christ] mais il vous a sauvé vous (…) parce que le Cœur de Jésus avait besoin  d’un peintre et qu’aucun peintre ne se présentait. (…) »

L’œuvre est si violente qu’elle en est insupportable. « Sans beauté ni éclat pour attirer nos regards, sans apparence pour nous séduire (Isaïe 53, 2), elle nourrit notre méditation sur la tendresse de Dieu  en nous rappelant  jusqu’où Il se donne pour la manifester au monde.

 

Georges Desvallières (1861-1950). 1905. Huile sur carton, 107 x 72 cm. Coll. part.

Article publié par Doyenné cambrai • Publié le Vendredi 15 mai 2020 • 554 visites

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