« Il leur ouvrit les Ecritures »
La toile immaculée et pure est comme barbouillée d’une masse bleu sombre teintée de marron et de noir. Un ciel d’or perce cette masse bourbeuse et la pénètre, guidée par une croix.
Le terreau sombre est constellé de lettres, plus ou moins visibles, allant du noir au bleu le plus vif. Sans ordre ni logique, elles ne disent rien. Aussi confuses que certains passages de l’Ecriture, pris isolément. Inscrites dans la pâte humaine, les Ecritures en expriment toutes les turpitudes : la complexité de l’homme blessé par le péché, sans cesse tenté par les idoles et la toute puissance.
Voilà une triste vision… une humanité créée dans la pureté et comme happée par la nuit du péché. Quelques lettres éparses suffiront-elles à lui rendre l’espérance, à la guider vers cet horizon d’or divin, éclatant de gloire ? La ligne d’horizon qui sépare l’humanité de la divinité est brisée, hérissée de tentatives de se rejoindre, mais sans jamais y parvenir.
Mais l’espérance surgit : puisque l’humanité peine à s’élever vers Dieu, Dieu choisit de s’abaisser. De plonger sans peur dans l’humanité en la personne de Jésus. Son passage illumine l’humanité et bouscule les lettres mortes de l’Ecriture pour leur donner une vie nouvelle.
La gloire divine passe par la croix, et c’est ce que Jésus ressuscité explique aux deux disciples avec qui Il marche sur le chemin d’Emmaüs : « ne fallait-il pas que le Christ souffrît cela pour entrer dans sa gloire ? » (Lc 24, 26) Sa croix est peinte de la même pâte terreuse que l’humanité dans laquelle il descend. Et le sillage d’or de son passage est comme cerné du plus noir péché.
Mais le mal ne parvient pas à empêcher le Seigneur de rendre la vie à sa Création, comme les Ecritures le promettent. La croix aux formes souples est pleine de vie. Le passage d’or dessine une timide montée de la pâte terreuse vers l’horizon.
La résurrection ordonne toute l’histoire du peuple de Dieu et manifeste la façon d’agir du Seigneur : « le Christ Jésus, ayant la condition de Dieu, ne retint pas jalousement le rang qui l’égalait à Dieu. Mais il s’est anéanti, prenant la condition de serviteur. Devenu semblable aux hommes, reconnu homme à son aspect, il s’est abaissé, devenant obéissant jusqu’à la mort, et la mort de la croix. C’est pourquoi Dieu l’a exalté… » (Ph 2, 6-9)
En plongeant au cœur de l’humanité, le Christ l’entraîne vers la gloire divine.
Arcabas (1926-2018) cycle d’Emmaüs, 1993-1994. Huile sur toile, 1x0,5 m. Torre de Roveri, chapelle de la Résurrection.